Les terrains non urbanisés[1] en zones destinées à accueillir l’habitat aux plans de secteur constituent théoriquement des disponibilités pour une urbanisation future. Cette urbanisation aurait des conséquences environnementales multiples : consommation de sol en tant que ressource non renouvelable, disparition et fragmentation d’habitats (milieux naturels, forestiers, agricoles), perte de superficies agricoles ou sylvicoles productives, perte de puits de carbone…
Près d'un tiers des zones destinées à l’habitat est encore théoriquement disponible
En 2021, les zones destinées à l’habitat aux PdS occupaient 180 797 ha (soit 10,7 % du territoire wallon). Les terrains non urbanisés en zones destinées à l’habitat, qui correspondent à une offre foncière théorique, représentaient 54 357 ha, c’est à dire 30,1 % de la superficie des zones destinées à l’habitat[3].
Une répartition inégale de l’offre foncière théorique
Si les ressources foncières encore urbanisables sont relativement abondantes à l’échelle de la Wallonie, elles sont toutefois réparties de façon inégale sur le territoire. D’une façon générale, il existe un différentiel entre d'une part l’ouest et l’est de la Wallonie (l’est étant mieux pourvu) et d’autre part entre le nord et le sud du sillon Sambre-et-Meuse (le sud étant mieux pourvu). Une raréfaction des ressources foncières au sein de l’aire d’influence des métropoles périphériques (Bruxelles, Luxembourg et Lille) est également observée.
En 2021, les communes présentant la part la plus élevée de terrains non urbanisés en zones destinées à l’habitat étaient des communes rurales de la province du Luxembourg et du sud-est de la province de Liège, éloignées des pôles existants : Amblève (56,6 %), Manhay (56,2 %), Gouvy (55,8 %), Sainte-Ode (55,3 %), Bertogne (55,2 %)… À terme, cela signifie que si aucune mesure n’est prise, les superficies urbanisées au sein de ces communes pourraient approximativement doubler. Pour certaines de celles-ci, il peut s’agir de superficies conséquentes : 514 ha pour Amblève, 369 ha pour Manhay, 492 ha pour Gouvy, 343 ha pour Bertogne...
À l’inverse, les communes des six grandes villes wallonnes présentaient des taux de disponibilités foncières plutôt faibles, ceux-ci correspondant toutefois à des superficies encore importantes : 14,4 % pour Charleroi (660 ha), 14,8 % pour Liège (511 ha), 16,1 % pour Mons (496 ha), 19,3 % pour Tournai (505 ha), 21,4 % pour Namur (964 ha) et 22,5 % pour Verviers (342 ha). De nombreuses communes du triangle Bruxelles-Namur-Mons présentaient également une part réduite de terrains non urbanisés, avec pour certaines d’entre elles de faibles superficies : 8,2 % pour Waterloo (92 ha), 10,9 % pour Nivelles (70 ha), 15,7 % pour Tubize (109 ha), 16,8 % pour Seneffe (57 ha)…
Vers la fin de l’artificialisation en 2050
Les terrains urbanisés (6,5 % du territoire wallon en 2021 q) sont un sous-ensemble des terrains artificialisés (minimum 10,8 % du territoire wallon en 2021 q)[4]. Ils sont donc également concernés par les politiques visant la baisse de l'artificialisation. En 2011, la Commission européenne s’est fixé comme objectif d’ici 2050 d’atteindre le no net land take, c’est-à-dire de supprimer toute augmentation nette de la surface des terres artificialisées q. Elle a également invité les États membres à adopter des objectifs chiffrés contraignants de consommation en sol(b). Depuis lors, plusieurs États membres sont entrés dans une dynamique de réduction de l’artificialisation. En Wallonie, l’outil de planification définissant la stratégie territoriale est le Schéma de développement du territoire (SDT) (appelé "Schéma de développement de l’espace régional" – SDER – avant l’entrée en vigueur du Code du développement territorial q). En 2019, le Gouvernement wallon a adopté une révision du SDT q, dans laquelle des objectifs pour plafonner puis stopper l’artificialisation ont été fixés : réduction de la consommation des terres non artificialisées à 6 km2/an d’ici 2030 (soit approximativement la moitié de la consommation observée sur la période 2015 - 2019 q) et à 0 km2/an à l’horizon 2050. Ce document n’est toutefois jamais entré en vigueur. Le Gouvernement a en effet décidé en 2022 de retirer l’AGW adoptant la révision du SDT q et d’actualiser une nouvelle fois le SDT, afin notamment de tenir compte des objectifs de la Déclaration de politique régionale 2019 - 2024[5]. Cette actualisation est en cours de préparation par le Gouvernement wallon.
Étant donné l’abondance des réserves foncières pour l'habitat en Wallonie, il faut noter qu’en l’absence de mesures et d’outils visant à limiter l’artificialisation des terres pour la fonction résidentielle, celle-ci pourrait se poursuivre bien au-delà de 2050(c). Au rythme actuel de l’urbanisation, ces réserves seront en effet épuisées dans approximativement 111 ans[6].
Vers une politique de développement résidentiel soutenable
Dans le cadre d’une recherche menée en 2019(d), la CPDT a identifié différentes mesures stratégiques susceptibles de permettre à la Wallonie de rencontrer les objectifs européens. Ces mesures visent d’une part à préserver les terres de l’artificialisation et d’autre part à les utiliser de manière plus efficiente : (i) identifier au sein du territoire les zones à intensifier ou au contraire à préserver de l’urbanisation, (ii) privilégier les développements au sein des tissus urbains existants, (iii) privilégier le recyclage des terrains déjà artificialisés, (iv) au sein des zones à intensifier, favoriser le recyclage et optimiser l’occupation des biens immobiliers existants, (v) privilégier des urbanisations plus économes en foncier… Ces mesures stratégiques s’accompagnent de diverses mesures opérationnelles : application de seuils de densité minimaux dans les projets d’urbanisation, recyclage des friches et recyclage immobilier, lutte contre la rétention foncière et immobilière, confinement de la croissance urbaine, mécanisme d’équilibrage des plus-values et des moins-values liées à la planification[7], application systématique du mécanisme de compensation planologique[8]…
À la demande du Gouvernement wallon, la CPDT a continué ses recherches dans ce domaine, et s’est en particulier intéressée aux leviers disponibles pour lutter contre l’étalement urbain. Des recommandations concrètes sont attendues[9].
[1] Terrains qui sont toujours à l’état naturel, forestier ou agricole(a)
[2] La zone d’habitat vert et la zone d’enjeu communal ont été créées lors de l'entrée en vigueur du Code du développement territorial (CoDT) q en 2017.
[3] Cette offre foncière potentielle est une estimation maximale des terrains disponibles. Pour évaluer l’offre foncière effective, il faudrait tenir compte des contraintes juridiques, de la faisabilité technique d’utiliser les parcelles ou encore de leur disponibilité effective à la vente.
[4] "Artificialisation" et "urbanisation" ne sont pas synonymes. Les terrains artificialisés correspondent aux surfaces qui ont été retirées de leur état naturel (prairie naturelle, zone humide…), forestier ou agricole, pour être bâties ou non et revêtues (parking p. ex.) ou non (jardin de maison pavillonnaire p. ex.)(a). Les terrains urbanisés sont quant à eux des terrains qui ont été artificialisés pour la fonction résidentielle. Les terrains urbanisés constituent donc un sous-ensemble des terrains artificialisés.
[5] Réduire la consommation des terres non artificialisées en la plafonnant d’ici 2025 et en y mettant fin à l’horizon 2050 q
[6] Calcul réalisé sur base de la consommation moyenne annuelle en sol pour l'habitat entre 2016 et 2021 et des disponibilités foncières théoriques de 2021 (en prenant l’hypothèse que la consommation moyenne annuelle reste constante)
[7] Une parcelle initialement inscrite en zone non destinée à l’urbanisation peut, suite à une modification du PdS, être affectée en zone destinée à l’urbanisation. L’inverse est également possible. Ces modifications sont susceptibles de générer selon les cas une plus-value ou une moins-value de planification, pour lesquelles le CoDT q prévoit un mécanisme de taxation ou d’indemnisation. Étant donné l’objectif d’arrêt de l’artificialisation, la Wallonie pourrait être confrontée, en cas de modification du PdS, à d’importantes indemnisations des moins-values de planification. Un mécanisme d’équilibrage des plus et moins-values fait partie des mesures proposées par la CPDT (réévaluation de la taxe sur les plus-values de planification et mise en place d’un mécanisme de transfert des droits de développement). Pour plus d’informations, consulter CPDT (2019)(e)
[8] Selon le CoDT q, l’inscription aux PdS d’une nouvelle zone destinée à l’urbanisation ayant des incidences non négligeables sur l’environnement en lieu et place d’une zone non destinée à l’urbanisation doit faire l’objet d’une compensation planologique, via une modification équivalente d’une zone existante destinée à l’urbanisation ou d’une zone d’aménagement communal concerté en une zone non destinée à l’urbanisation, ou d’une compensation alternative définie par le Gouvernement tant en termes opérationnel, environnemental ou énergétique qu’en termes de mobilité.
[9] Pour plus d’informations, consulter la page internet dédiée à la recherche R.1 de la CPDT "Intensification et requalification des centralités pour lutter contre l’étalement urbain et la dépendance à la voiture" q
Évaluation
Évaluation de l'état non réalisable et évaluation de la tendance non réalisable
Pas de référentiel
Les données présentées ne concernent qu’une seule année.